Sylvgheist Maëlström (FR)

(Hands Productions) // Live - 5 NOV

Outre l’univers de la musique savante (contemporaine, notamment) dans lequel il baigne depuis l'enfance, les influences musicales de Julien Michaud (aka Sylmalm) sont clairement identifiées : Einstürzende Neubauten, d'abord, Orphx ensuite. De cette influence noise nait sylvgheist maëlström, un projet de musique electro- industrial dont la qualité et l'originalité lui ont valu de rejoindre récemment le fameux label allemand Hands en 2012. En 1999, il se rend en Suède pour ses études d’architecture. C’est là-bas, dans un pays où l'immensité naturelle est partout - colossale, dominante - que le concept Sylvgheist Maëlström prend réellement forme. Sylvgheist Maëlström - littéralement « esprit fantomatique de la nature » - est en effet la traduction sonore du mouvement incontrôlable de l’environnement reprenant ses droits sur la civilisation. La nature se régulant elle-même, sans regard pour l’humain parcourant ses terres. Ainsi, au cœur du projet Sylvgheist Maëlström, une interrogation émerge quant au caractère cyclique des phénomènes catastrophiques mais aussi, plus essentiellement, à l'inéluctable de la destruction, au caractère inexorable des morts et des désagrégations. Fidèle à l’esthétique industrielle, Sylmalm a fait du minimalisme et de la répétition un principe et un système de fonctionnement. Travaillant toujours avec peu de pistes sonores, la composition est en opposition à toute mélodie ; l’enjeu est avant tout de construire le son, de lui donner corps et ampleur, mais aussi d’emporter l’auditeur vers de nouveaux univers mentaux. Pour Sylmalm, ce travail renvoie d’une certaine manière à l’abstraction picturale, dans la mesure où celle-ci privilégie le potentiel plastique de la couleur comme il privilégie le potentiel « plastique » de la matière sonore. Lahar (2010- Connexion Bizarre) est le premier album de Sylvgheist Maëlström. Il évoque l’éruption cataclysmique du volcan Saint-Helen, dans l’état américain de Washington : le 18 Mai 1980, un tremblement de terre provoqua le déplacement massif de millions de tonnes de matières volcaniques, lesquelles formèrent un lahar (torrent de boue et débris rocheux) qui détruisit toutes traces de civilisation dans cette partie de l’état. Deux ans plus tard, au même endroit, le phénomène se répéta. Après le premier opus Lahar, introspectif et minimaliste, sylmalm livre avec Skaftafell (2012-Hands) un deuxième album généreux et apaisé, reposant à la fois sur des rythmes complexes et un sens rare de la mélodie. Poursuivant l'exploration sonore des thématiques qui lui sont chères -les forces de la nature et leurs rapports à la vie humaine-, Skaftafell tire son nom d'une immense étendue glaciaire située au sud de l'Islande. Là où Lahar explorait la violence des catastrophes naturelles sur les civilisations qui en sont les victimes, Skaftafell s'envisage comme l'image sonore d'une nature dégagée de l'humain, le bruit de ce glacier islandais en perpétuel mouvement. Dense et percutant, Skaftafell est un collage de rythmiques élaborées où la répétition des motifs musicaux n'existe que dans le but d'amener l'auditeur vers un état que Sylmalm qualifie de transe. En 2014, avant sa programmation dans plusieurs festivals allemands prestigieux de musiques electro et techno- industrielles, Sylmalm sort Pripyat (2014-Hands). Ici, pour parachever sa trilogie débutée avec Lahar, il évoque les catastrophes industrielles et plus particulièrement la destruction du réacteur du site de Tchernobyl et l’évacuation presqu’instantanée de la ville frontalière de Pripyat. Nous sommes alors plongé dans le désert urbain, ravagé, comme dépossédé de toute possibilité d’action. Il rejette alors le minimalisme majestueux de son prédécesseur et adopte un langage musical très différent, avec des rythmes IDM imposantes et des paysages sonores très denses. La programmation et les structures sont désormais plus concises et précises. Le mastering réalisé par Manuel G. Richter (Xabec) transcende les nappes atmosphériques, sourdes et grinçantes qui s’ajoutent crescendo aux lourdes rythmiques ; l’ensemble forme un collage sonore progressif tendant vers ce que Julien appelle désormais une « transe industrielle ».